lundi 2 janvier 2012

NOUVELLE ANNEE

On signalait des mouvements de troupes dans la partie septentrionale du pays, et - de sources non confirmées - des colonnes de blindés qui prenaient position sur la frontière. La Grande Fauconnerie qui, en cette fin d'année, avait exceptionnellement autorisé la distribution de bons d'alimentations aux habitants des villes - les campagnes avaient été abandonnées depuis longtemps - et prolongé le couvre-feu de deux heures pour permettre à la populace de voir quelques étoiles, déclara la mobilisation générale et modifia la camisole chimique qui recouvrait le pays. Tous les appareils de chauffage et d'éclairage furent proscrits, et les liaisons satellitaires - il y en avait si peu - brouillées. L'appel au culte du Grand Vénérable fut renouvelé chaque heure, les bunkers mis en état d'alerte, et les milices de la paix (?) s'installèrent à chaque coin de rue.
Solène et Victor serrés l'un contre l'autre sous leur couette d'oiseaux morts, savaient que c'était une nouvelle farce des dirigeants. Le déluge de plomb et de feu promis par la radio d'état n'aurait évidemment pas lieu. Ce pays n'était plus qu'un spectre fragile. Existait-il encore vraiment d'ailleurs ?  Seuls le mensonge, la peur, la famine orchestrée et les exécutions sommaires le maintenait sur ses pauvres béquilles. Le peuple rendu exsangue par toutes les privations, regardait les yeux vides, les gesticulations de ses généraux d'opérette, et participait d'un pas de l'oie malhabile, qui fût comique s'il n'avait été destructeur...
Victor alluma un vieux mégot, posa un baiser d'oiseau-mouche sur la bouche d'une Solène endormie et décida que plus jamais, il n'obéirait aux ordres...

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