mardi 4 décembre 2012

CONTE A REBOURS ( CARON )

Il ouvre son opinel, découpe une tranche dans la rondeur de la miche de pain,  qu'il accompagne d'un morceau de cette tomme de pays un peu amère qui vous laisse des picotements sur la langue et un goût de noisette rance dans la bouche... Le couteau est soigneusement aiguisé et il prend garde qu'aucune vision ancienne ne vienne se glisser sur le fil du rasoir. Parce qu'il avait pensé à Zelda, un autre matin, son casse-croûte s'était terminé par une vilaine blessure qu'il avait dû soigner avec les feuilles de papier qui lui servent d'ordinaire à rouler ses cigarettes...
Mais ses derniers souvenirs sont tellement lointains et flous dans le temps, qu'il ne prend aucun risque à s'enliser dans leur évocation. Il faut faire attention. C'est tout. Eviter cette fête des écoles où sous le préau, un groupe d'amateurs jouait les Fourberies de Scapin, trier ces images, ces contes, ces univers qu'aujourd'hui, il tient cachés soigneusement sous ses cheveux comme ces demi-soldes revenus de campagnes lointaines engrangent des maladies post-traumatiques... Il était un enfant alors, et pensait qu'il suffisait d'un petit pas pour traverser le ruisseau.. Qu'une " demoiselle " aux ailes translucides se pose sur le nénuphar de l'étang et le monde s'en trouvait simplifié...
Il ne pensait pas avoir à discutailler sans cesse avec Caron pour obtenir une traversée décente...

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