lundi 16 septembre 2013

JAZZ O'BISTROT

Le rock, la pop, les groupes anglish ou ricains, Jean-Pierre ça l'intéressait pas trop...Le garçon était plutôt blues et jazz... Enfin, sachant que pour lui le blues commençait et finissait avec Lady Day, je dirais qu'il était plus jazzy que bluesman, et s'il consentait à écouter un bout de Kinks ou de Clapton, c'était seulement pour me faire plaisir pendant que je préparais le bourguignon... Il ne vivait que pour les cymbales d'Elvin et le bignou du Président ( Ca tombait à pic because Lady Day ) et d'autres trucs dont vous connaissez même pas le nom... 
Il avait pris l'habitude de venir deux fois le mois à la maison. Réglé comme du papier à musique... Je fournissais le coucher, la bouffe, lui amenait la boisson et des substances que " rigoureusement ma mère m'a défendu d'nommer ici ". **.. 
Comme je suis pas Bocuse, que le pastaga coulait à flots, que le bougre avait de l'appétit  et que la nuit s'annonçait longue, je préparais du lourd... Du qui te met la panse au niveau des pinceaux mais qui colmate dur... Blanquette de veau, mironton, tartiflette du pays, fromage, dessert et allez bourriques... Quelques apèros, quelques " Cuvée du Père Jules " plus tard, on avait les feuilles qui chauffaient comme le fourneau du père Landru...
On partait alors bras dessus bras dessous au concert. " La Maison du Peuple " ça s'appelait... J'invente rien... C'était tout près de chez moi... Juste une rue à arpenter en mesurant conscieusement le trottoir selon le degré de libations... On arrivait toujours un peu en avance pour avoir la meilleure place au bar, parce qu'à partir d'une certaine heure, la concurrence était rude... Et la Cathy était encore de bonne humeur pas comme en fin de soirée où elle pètait régulièrement les plombs à force d'accepter toutes les tournées que lui payaient les loulous qui rêvaient de son décolleté...
On en a vu ( enfin quand je dis " vu " c'est limite tellement la fumée des clops nicotinait vite fait les projos ) et entendu des bons, des un peu célèbres... Trottignon et son piano, Clavis et son délire... Des big-bands, des bands tout court, des quartets, des trios... De "l'expérimental " du free, du classique, des chanteurs de blues, de gospel, même une fois un folkeux qui s'était gouré de direction... Mais bon, tout le monde avait sa chance et l'ambiance était plutôt bonnarde... Y'avait des " jolies mômes " **, des mecs qui passaient par hasard, des tapeurs de clops et de canons, des barbus de l'éducation nationale, des punkies qui dealaient... Mais la mayonnaise prenait et après le concert, les musicos venaient te taper sur l'épaule en disant qu'on était un sacré bon public... Ca rigolait, ça chahutait un peu, ça gueulait que " Vingt dieu ! Creuse un peu qu'j'y mette ma dose ! ", ça tanguait pire qu'un vestiaire de gros ** quand ils ont gagné le match... On sortait pisser dans la cour vu que les chiottes étaient sans cesse complets... Y'avait même des sandwichs pour les crèves-la faim et la tournée du patron pour finir en tire-bouchon... ( Pour les débutants je conseille pas le tire-bouchon, ça rend les pt'its matins blêmes ).
Ca a duré comme ça quelques années, et puis on a perdu le fil... Y'a eu des problèmes de pognon, de paperasserie administrative, des riverains qu'on gueulé, porté le pet devant la justice, fatigués qu'ils étaient d'entendre piailler deux cent mecs dans le pt'it matin qui pensaient qu'un métro ou le samu allaient les ramener chez eux... On a remplacé les tauliers dinguos par des cerbères en chemisette et tiré le rideau du guignol...
J'y suis allé une dernière fois invité par des gus propres sur eux qui croyaient en mes connaissances be bop... ( fausses bien entendu ! ) C'était plus pareil. Z'avait installé des tables mignonnes avec des napperons, la scène était cirée comme mes pompes à l'enterrement du grand-père... On enfumait plus son voisin et le bar était fermé... Seules circulaient quelques bières tièdes sous le manteau et plus personne ne venait s'asseoir au bord de la scène...  Le public aussi avait viré de bord. Fini les dingueries, les gigolpinces et les mignonnettes à cheveux rouges... L'estaminet était devenu un " lieu d'art et de rencontre "... Tu parles Charles ! Rien que des SPECIALISTES, DES MORDUS DU DETAIL qu'étaient capables de t'expliquer qu'effectivement un La dièse est un Si bémol, et qui, au plus fort de la tempête tapaient discrètement de la bottine...
J'ai trouvé la musique moins bonne, sans doute trop occupé à reluquer ma voisine en pensant à autre chose...
** J'en ai pas fini avec vous. Z'allez en manger du Georges sans blague !
** J'en ai pas fini avec vous. On va pas oublié Léo sans blague !
**Premières lignes.

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