vendredi 16 octobre 2020

16/10

 J'ai rencontré Brenda chez Tony. Un bar sur la 24e qui ne fermait jamais, et ramassait tous les pouilleux du quartier, qui manquaient de sommeil, et avaient toujours soif. On est rentré chez moi boire du vin, et on a baisé. La fin du monde était proche. Y'avait pas d'autre alternative. Je me suis pas trop mal sorti de l'affaire. Malgré mon âge, j'avais encore de beaux restes... Mes poêmes faisaient le reste... Au matin, Brenda est sortie acheter quelques bouteilles, et ces foutus pancakes à la confiture qui me bousillent l'estomac jusqu'à l'âme. J'ai profité de son absence pour aller chier, et mettre un fute à peu près propre. Faut savoir se tenir quand une dame vous fait les honneurs. Mon vieux côté conservateur, sûrement dû à mon éducation teutone, chrétienne, et tout le bataclan. Les torgnoles de mon père. La vieille école...
Tony me payait des coups, en échange de quelques poésies qui traînaient le plus souvent au fond de mes poches. Des broutilles qu'il éditait dans un torchon " underground " qu'il vendait sous le manteau, et que je conchiais copieusement les soirs d'orage. Cette fameuse contre-culture dont on nous rebat les oreilles m'emmerde. Comme les droits civiques, les manifestations pour la paix, et les discours du pasteur King. Pas de Rubicon qui tienne ! On n'atteindra jamais l'autre rive ! Qu'Allen Ginsberg, Kerouac, et tous les autres, aillent se faire foutre... Dylan aussi. Ce freluquet,  qu'on porte aux nues, pour quelques chansons, qui révolutionneront quoi? Je vous le demande... Depuis Faulkner, et Céline, plus un seul écrivain n'a pointé le nez, peut-être Fante qui avait de la cuisse, avant de faire des minous aux danseuses d' Hollywood... Ca laisse de la place à des gars comme moi, qu'ont la main leste, mais que personne ne prend le temps de lire, encore moins d'éditer. Je n'ai aucun regret de ne pas faire partie du " cénacle". Je reste dans l'ombre, comme un vieux tigre, prêt à sauter à la gorge des moutons. Je préfère encore bosser comme un âne au bureau de poste d'à côté, ou mater les pétroleuses qui tiennent commerce sur le boulevard.
J'ai dû m'endormir. Au réveil, la nuit était là, et Brenda disparue. Tony m'a dit qu'elle n'était qu'un fantôme. Un de ceux que l'on ne rencontre qu'en enfer, quand le paradis s'est " fait la malle", comme disent ces couillons de Français...
Contrefaçon C. Bukowski.
Eté 1968. Chez Tony.
Le Merle qui lorgne sur l'épaule
de son voisin.

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