Lorgnant sur l'épaule du vieux Jim*, je pourrais vous raconter comment nous sommes descendus au fond du ravin, là où coule la petite rivière à truites qui glougloute doucement dans les marmites creusées par le temps, un jour où le soleil cognait fort, que l'ombre des arbres clignait des yeux dans la fournaise, et que les pékins du centre ville subissaient le supplice de Tantale, ce bourricot chassé par les Dieux pour une sombre histoire de bibine, trop longue à raconter ici. Comment une vilaine journée de février, nous dûmes rebrousser chemin, chassés par un blizzard sibérien sous le regard du Dieu Findus qui règne sans partage dans les congélateurs des super markets, saleté de divinité à la noix, qui rigolait de nos arpions gelés. Le croiriez vous, si je vous disais, qu'un autre jour, assis sur de vieux pneus, occupés à rouler des mégots interdits par la bienséance, nous avons craint pour nos tonsures. La faute à un rapace Pat Ibulaire sans humour qui tournait au-dessus de nos têtes de piaf, ce qui en faisait malgré un pédigrée de premier de la classe ( Milan royal ) un drôle d'oiseau... Il volait si bas, les yeux fin énervés, à se tordre le cou, pire un voyeur malhonnête, qu'on s'est demandé s'il n'allait pas nous chier dessus tout simplement... Peut-être que ce pauvre volatile avait la courante, qu'il avait abusé de mulots pas frais... On ne saura jamais, puisqu'on s'est mis à l'abri sous le hangar, et qu'il ne faut pas compter sur une bestiole pour nous donner des nouvelles du monde, encore moins de sa santé. C'est pour ça que les vétérinaires nous plument allègrement...

 Vieux Jim, écrivain, ornithologue à ses heures, amateur de femmes, et de grands espaces, vous aurait raconté ces petites aventures mieux que moi... C'est un gars qui sait y faire pour vous emmener ailleurs, quand vous vous barbez dans la queue du super, ou que vous attendez la bourgeoise qui papote... Rien qu'avec des mots, le bougre vous fait frétiller du goujon, vous fait rêver d'un steak d'élan dans un restau de routiers au milieu du boucan que font les gros culs qui passent sur l'autoroute... Et ça ce n'est pas rien...

* Jim Harrison

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