mercredi 25 octobre 2023

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Ce fut une époque bénie. Celle où des blancs becs se réunirent en groupe pour écouter Papa Nègre, et ses cousins, jouer le blues, inventer en trois accords, bottleneck compris, un tsunami qui allait renvoyer  tous les merlans (bien dégagé derrière les oreilles !) à leurs chères études capillaires... Epoque bénie aussi, celle où des morpions agiles, et agités, pire des chats maigres,  apprenaient ce fameux vivre ensemble dont les philosophes Nimbus nous rebattent  les oreilles.. Ces minots là n'avaient pas besoin de discours, de bienveillants curetons pédos, de psychos à bobos, qui prenaient soin d'eux. L'enfance était un champs de mines, ou de marguerites, c'était selon... La vie en croche-pattes, coups de coude, petites humiliations, ou serments de gangsters, suffisaient à leur faire pousser le poil sous les bras. Petits moricauds qui fumaient en loucedé des Parisiennes (P4) au bord du canal, tétaient les fonds de canette des "grands", qui, du premier sauterait du haut du pont, ou plongerait dans l'écluse, qui ferait le poirier, bombant le torse, en rigolant parce que Manu avait encore crevé le pneu de son vélo. Les été chauds, les vacances trop longues, pour qui ne partait pas à la mer, ou en colo, et souvent, l'envie les prenait de faire des conneries, de gueuler à tue tête les hits qui défilaient dans les transistors, d'emmerder les grandes blondes* qui promenaient des courbes interdites, et faisaient des trucs dégueu avec les musclés du coin. Il rentraient tard à la maison, chauffés à blanc, et la mère inquiète les engueulait, pendant que le père promettait des avoinées qui ne viendraient jamais. On sentait bien que quelque chose se préparait... A la rentrée prochaine, Jojo irait à l'usine, Manu reprendrait le lycée, et des "quarante cinq tours" magiques fleuriraient dans les jardinières des années de braises... Papa Nègre encaisserait les royalties, tout heureux de l'aubaine, et s'ils patientaient un peu, les petits goujons frétilleraient de la queue en écoutant I wanna be your man... C'était parti pour la grande fiesta... La Métamorphose en quelque sorte.
* Jean Echenoz.


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