Méchant.

 Il m'a fallu près de soixante ans pour devenir méchant. Les dix premières années ne comptent pas; A peine sait-on barboter dans la mare, tourner sa langue dans sa bouche, ou mettre les doigts dans la prise, que la cruauté s'impose. L'apprentissage ordinaire d'un prédateur, ou le constat d'être une proie selon que l'on naisse "puissant ou misérable". Le débourrage d'un fauve, ou d'une gazelle. Elle fait du tort (la cruauté) aux ailes des mouches, aux cuisses des sauterelles, et au cul des grenouilles. Rien de bien répréhensible... A moins d'éviscérer votre petite soeur dans son berceau, ou de foutre le feu à la maison, oncles, et tantes compris, vous ne risquez pas grand chose... Jeter des cailloux aux clèbards, tirer les moustaches des matous, regarder sous les jupes des filles, n'engagent pas la vie future. Au mieux on vous tirera les oreilles jusqu'au sol, au pire, vous finirez dans une institution pour enfants tueurs, où des bonnes soeurs en cornette vous ferons passer le goût du pain, et de l'oignon frit.. L'éveil au sang, à la morve, aux dents acérées, et aux coups dans le pif, ne sont jamais que la coquille du poussin, l'oeuf du petit croco, que le bambino en jachère brise pour faire sa place. Quelques années plus tard, c'est la grande lessive, la sempiternelle Valse des pantins, le tintamarre des cervelles. Ca vous rendrait presque méchant...