On tenait à peine debout. La faute, bien sûr à nos vieilles guibolles qui n'étaient plus celles d'avant le déluge, et à une foutue bise qui nous soufflait sur le pif, ralentissait notre "marche en avant" dans la toundra, comme pour nous faire regretter nos mauvaises actions, nos péchés, et cette prétention qu'ont les bipèdes à vouloir jouer avec la météo. La Tempête, ce foutu morceau de piano qui me chauffait les doigts, m'a inspiré une pensée pour le vieux Ludwig qui s'est mis à ricaner dans la tourmente. J'ai pensé qu'à ,la prochaine bourrasque, on allait se retrouver le cul par-dessus tête, et dévaler la pente pire un palet de hockey expédié dans les cages. On ne dira jamais assez la souffrance du palet, quand des gus d'un quintal, rageurs comme Robert devant son ticket de loto (encore perdu !) l'assassinent à grands coups de crosse pour gagner la finale... C'est pareil pour les petites balles de golf, mais là n'est pas le propos...
J'avais les moustaches givrées comme un citron, les lèvres passées au mixer, les cils en glaçons, et les poumons en findus, ce qui n'arrangeait pas la progression vers la carriole, heureusement à l'abri des congères, dans l'étable, réchauffée par les pets des vaches. La veinarde... On avait décidé que cette température sous le zéro allait nous déboucher les bronches, qu'un peu de marche nous éviterait les engelures, mais pas prévu que le ciel allait nous tomber sur la tête.
Mes pas dans ses pas pour ne pas perdre le nord, me suis demandé si j'avais bien pris toutes mes dispositions en cas de mort violente, comme le font ces crétins d'alpinistes quand le premier de cordée les entraînent dans la crevasse parce qu'il a oublié ses mouffles au chalet. Je laisserais pas grand-chose aux héritiers... Quelques livres, des vieux disques usés, un paquet de souvenirs, de mouchoirs en papier... Mettez tout à la benne ! Sauf les mouchoirs, çà peut servir en cas de pluie du pif... Quand j'ai vu la lumière au bout du tunnel, comme on lit dans les romans de gare, j'ai fait une petite prière à l'Eternel, histoire de couvrir mes arrières, de laisser la maison propre... Bien sûr que l'Autre a détourné la tête, s'est gratté la barbe. L'enfant de salaud s'est régalé. Vengé de tous les bons mots que je m'étais permis sur sa personne, content de voir que je pataugeais dans la poudreuse... Il a battu le rappel de tous les anges merdeux, qu'ils participent à la curée... S'il s'en sort, je veux bien descendre en enfer, a soupiré un séraphin, pendant qu'un autre plus prévenant, me préparait un grog bien tassé au cas z'où... Un boucan infernal m'a fait dresser les cheveux sous le bonnet, et pleurer les oreilles... C'était un gars du coin, un costaud rigolo en maillot sur son traino de ferraille, toute lame dehors qui faisait (la lame) des tas de neige, à faire pâlir de jalousie un baron du narcotrafic, qui nous a dit "Quel sale temps ! Z'auries pas vu mes chiens ? ". Se foutait pas mal de nous, le cul-terreux, pensait qu'à ces foutus clebards, sûrement partis chasser l'ours des montagnes, ou le pt'it cheval dans le mauvais temps... Ces gars-là sont vraiment des rustiques. Je vous le dis... Ca doit venir de la fondue, ou de l'altitude...
Mementoto 2010.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire