dimanche 19 avril 2015

FICTION &CIE ( 5 )

Elle a rappelé les chiens quand elle a vu l'homme emprunter le chemin. Les trois molosses surpris d'un ordre aussi vif - elle vivait en parfaite harmonie avec les bestiaux et jamais ni les uns ni les autres ne se permettaient d'aboyer inutilement - ont rengainé  les  canines et remis leurs poils à l'horizontale, histoire de pas fâcher la patronne. Il y avait eu assez de batailles comme ça..
Elle s'étonne. Voilà quelques décennies que personne n'a osé affronter les monstres,  prendre le chemin... Depuis que le village est recouvert de poussière en fait. Elle entend quelquefois sonner le glas, aperçoit des rumeurs furtives, des fumeroles qui s'échappent, se dispersent dans la grisaille... Comme si quelque chose vivait encore au-delà des grands marécages...  C'est étrange ce type qui pousse le silence. Est-ce qu'il saura lui parler, lui donner des nouvelles du monde d'ailleurs. Elle empoigne le vieux fusil qu'elle garde avec elle comme un ami de la dernière chance.. La prudence s'impose devant l'étranger. Ce ne serait pas la première fois qu'elle dézinguerait des silhouettes flageolantes...
L'homme s'approche. Caresse les museaux de ceux qui bavent et dit que tout est fini. Qu'il est revenu de la guerre et que sur sa tête le gazon repousse *. Qu'il a ramené les frelons, les shrapnels  avec lui, que le mauvais temps est passé et qu'il ne sert à rien de tuer l'ours si l'on ne peut vendre sa peau...
Pendant toutes les années qu'ils passèrent ensemble,  l'Un, l'Autre, ne surent jamais vraiment qui ils étaient.
* B. Fontaine.

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