PETIT BAIGNEUR

J'étais encore en culotte courte, le doigt dans le nez et les mains dans la braguette,  quand le cinématographe fut chamboulé par les aventures de James. Sitôt dit, sitôt fait... Le bonhomme devint l'idole des foules, le tombeur de ces dames et l'incontournable tarte à la crème annuelle qui remplissait les salles et le larfeuille des producteurs... Le monde entier chopait la " Bondite ", la guerre froide devenait une partie de dominos, ressemblait à un cartoon, et les courbes d'Ursula faisaient trembler l'alcôve des célibataires endurcis et des puceaux boutonneux.  Il faudrait pour ma part que j'attende la varicelle, les oreillons et une poussée d'acné qui ferait pâlir Eléphant Man pour jeter un oeil sur les premiers opus de la saga du gandin... Mais il était trop tard ! J'étais trop grand ! L'humour britisch et les pétarades me passaient au-dessus de la casquette. Chaque fois je m'endormais avant la galoche de fin, la mort du méchant et les félicitations du ministre... J'ai pourtant persisté... Me suis appliqué...  Comme tout le monde ( enfin les honnêtes gens ! Pas ceux qui s'emmerdent devant le " cinéma d'auteur "! austro-tawaïnais ! ),  j'ai pris rencard à chaque nouvelle aventure espérant que Sean, Roger, Pierce ou Daniel ( les autres sont pas importants ! ) allaient me faire sauter sur mon siège... Hélas ! Mélénas ! Impossible de monter dans le tram sans louper la marche... Au fil des ans ( refusé ! ) l'histoire - toujours la même - devenait de plus en plus improbable, les bagarres et autres courses de bagnoles vous donnaient envie de revoir Bullit et les donzelles en robes longues et nichons apparents foutaient plus les boules à personne... 

Et voilà qu'un demi-siècle plus tard, les doigts dans le nez mais les mains hors braguette ( faut pas déconner ! ), je titille une " vodka-martini " - la boisson de l'espion - et m'affale devant S.P.E.C.T.R.E. le petit dernier de cette grande famille...  Mon dieu ! Ça ressemble à un téléfilm de l'ORTF...  Disons que le générique ferait un clip parfait pour une chanson de Mylène Farmer ou une pub pour les parfums cacaboudin, mais le reste... La purge... J'en reste scotché comme un cubain devant la dépouille de Fidel... Craig a l'air d'avoir cent ans, le " méchant " ressemble à un sacristain, Belluchi à une sorcière et la t'ite Seydoux à une épicière de province... C'est Derrick en accéléré, Navarro sans le bide, Dard sans les gros mots,  Sagan sans la frange ( ? )...
" De qui se moque-thon ? " trépigne Madame Suzanne en ouvrant sa boite de " Petit Navire " au naturel...

" J'en sais fichtre rien ! " que je réponds in-petto, grimpant dans ma Maserati... Du coup,  je rembobine " Le petit baigneur " là au moins, je risque pas d'être déçu...

Bon Dimanche à vous aussi...