mercredi 21 juin 2017

LAVACHE

Un matin,  alors qu'énervé comme un chat, je déchirais les pages d'un livre de " Sciences Naturelles " remplaçant les dessins naturalistes des grands singes par des photos de pin-ups découpées dans " Stars Magazine " je découvris le nom scientifique des bovins. Veaux, vaches, aurochs et autres zébus étaient classés dans la catégorie " Bos Taurus " par les nimbus de l'Académie... Ce fut comme une illumination de Juillet... La fin de tous mes soucis patronymiques... Jules Lavache venait de disparaître d'un seul coup dans les profondeurs de l'état-civil, remplacé par un blaze de consul romain ou de barbare Wisigoth, prêts à fondre sur l'impossible paysage... Ongles rongés, panards mal lavés et trouilles ancestrales passaient à la trappe. Le temps que je demande une autorisation de sortie et une dispense pour la gym, l'affaire était faîte. Le nabot prenait d'un coup vingt centimètres, des poils sous le pif, et des feux de forêt qui embrasèrent toute la contrée... " Bos Taurus " un nom pareil vous transformait illico un bourricot en cheval de course et personne ne m'empêcherait plus de construire un radeau pour traverser l'océan ou de grimper tout en haut de la montagne, là où paissent les indiens-bisons et les yacks (ou yaks ) tibétains. Les tâches d'encre au bout de mes doigts devenaient d'un coup des empreintes de brigands de grand chemin,  qui se posaient sur les créatures choucroute-bikinis planquées sous la paillasse où s'affairaient mes rêveries de bouffon. Le monde me démangeait... Secoué de prurits, je grattais jusqu'à l'os ma nouvelle identité, envoyais Madame Lavache - ma mère biologique - aux pâquerettes, regardais l'avenir de la famille - et le mien par la même occasion - avec les yeux de Raspoutine à la cour des Romanov... C'était mon tour... Je brandissais le poing vers les cieux, en appelant à la colère divine qui mettrait bas tous ces raze-mottes, ces vers de terre qui grouillaient sous ma pelure... Que viennent à moi les petites fées aux couettes aguichantes, les petites pépées, comme les appelait Monsieur Lavache, - mon père de substitution - quand il était d'humeur badine... Je m'éveillais trempé de sueur, mon esprit égaré dans des coinstos bizarres, penché sur les parapets qui surplombaient le pont, tout prêt de voler...
- Tinquiète Icare ! bougonnait l'Autre en rangeant ses archives...
- J'ai tout mon temps...
Mémoires d'Emile Lavache.
Edtions Leboeuf.

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