Bien sûr que quelquefois on met le museau dehors... On s'aménage des plages spéciales... Des horaires de cheminots où l'on risque pas de rencontrer une charrette qui va nous demander des nouvelles de la famille... Et quel âge ça vous fait à vous ? Faut prévoir l'avenir... Les enfants, la mutu qu'a encore augmenté, le pinard toujours pas remboursé, les changements de gouvernement... Se couvrir un peu, avec ces intempéries, se méfier des mélanomes et de la belle qui montre les crocs...
On se grouille. Faudrait pas qu'un malfaisant retapisse la porte avec une croix, une étoile ou une empreinte d'huissier pendant notre absence. Déjà que la chouette, c'est la limite de la bienséance... On file comme des rattes sur des sentiers empierrés, à chercher le moindre morceau de soleil qui tienne lieu de gruyère... Un quignon de pain, trois chopines... C'est les emplettes de la journée... Garés en double file devant le super-market, on se fait les poches. La monnaie qui tintibule au fond du pantalon, pour choper le caddie à roulettes... On va pas se goinfrer... Un moment, l'appétit vous lâche, comme un désir qui s'effiloche. Comme tout le reste... Le dos en vrac, le regard en biais, les souvenirs en jachère...
" Machin est toujours en réa... Pourvu que ça dure... " Si c'est pas de l'humour noir, ça... Pour un peu, on lui demanderait des nouvelles de sa santé, où est-ce qu'il passera ses prochaines vacances... Paraît qu'avec les années, on se rétrécit, on se rapetissse, on se fatalise et puis on s'adapte aux nouveaux habits... Le costume en sapin, la boîte à dominos, et tout à l'intérieur, ce gamin d'avant qui braille que jamais, il rentrera dans la cage...
J'ai le souvenir de ces froides journées de Toussaint, où après le geuleton et la goutte, on allait voir les morts. Un fois l'an, on serrait la louche des maccabs, des chrysanthèmes en deuil, avant de retourner finir le dessert... J'avais déjà la trouille... Aujourd'hui encore, je grelotte...
Gaspard Ano.
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