dimanche 12 avril 2020

J'ai abandonné le rock. Comme on laisse derrière soi une vieille pelure trop portée sur les souvenirs, un paletot usagé qu'on aimait beaucoup, mais qu'au fil du temps on délaisse, faute de ne savoir plus retrouvé les notes, et l'Electric Ladyland qui nous avaient tenu si chaud les hivers de disette... En moins de temps qu'il n'en faut pour se moucher dans son coude, j'ai renié toutes les galettes mythiques de la fin des Sixties, mis au pilon les valeureux Pionniers, les Bluesmans du bayou, de Chicago, ou de Détroit... Leurs héritiers, les petits blanc-becs, devenus l'espace d'un instant des Bluebreakers, n'échapperaient pas au massacre, comme  les aboyeuses jazzy que j'avais tant chéri... Finiraient tous au fond des molochs en bas de chez moi...  Croyant bien faire, j'ai donné tous les chapeaux à plumes hippies de la Côte Ouest à des morpions qui rappaient un drôle de langage. Les morveux se sont empressés de piétiner ces années fleuries, révolutionnaires. Ignorants de T. Leary et consorts, ânes bâtés devant le Velvet ou les Doors, ils brûlèrent sans vergogne le " Cheap Thrills " de Monsieur Crumb, pourtant au panthéon des emballages cartonnés chez les disquaires ( espèce disparue pour les plus jeunes )...
J'était triste, mécontent de cet autodafé musical... Depuis que cette saloperie avait rétamé la moitié de la planète, nous agissions pire les damnés de Dante, faisions n'importe quoi pour sortir de cette solitude sans autorisation...
Rentré en cellule, j'ai repris ma playliste des Quatuors de Ludwig,  frôlé des cantatrices en Verdi...  Je'ai murmuré quelques Gymnos au vieux Satie, quelques Variations à J.S.B, esquissé un Boléro avec Momo, mais le coeur n'y était pas... Pour clôturer le débat, ultime déviance dans une vie bien rangée, j'allais ignoré le Boss qui faisait de grands signes au bord de la Rivière, et mes Vieux Cailloux qui n'avaient plus un poil sur le... Fallait se faire une raison. Plus jamais, on ne me verrait " on the road " tenter le duckwalk du vieux Chuck... Les partoches rangées, et l'âme tiède, j'ai chargé le vieux fusil de R. Enrico...
Il faut une fin à toute chose...
Coromusic.
J / 27.

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