Je me souviens de longues balades dans le Cézallier, cette " petite mongolie " comme l'appellent les géographes... Un grand vide de tout, secoué par un vent glacial qui mettait les mains au fond des poches, et rougissait les esgourdes ( nous étions en octobre de je ne sais plus quelle année.. ). Des Limousines tout en cornes nous regardaient passer, machouillant sans doute des craintes de boucherie à venir, des envies de pré salé comme leurs cousins caprins, ou s'étonnant ( les vaches s'étonnent souvent, je trouve ) de voir deux pékins gigoter des gambettes, paumés dans l'immense... Petites choses fragiles qu'une seule bourrasque un peu burnée aurait fait disparaître en un clignement de paupières...
Je me souviens d'un piaf traversant l'espace en vrille, un V12 sous les ailes, à fond les manettes,  comme un fou de Bassan pique l'océan pour choper son quatre-heures, et de la dame avec qui j'étais - dont j'ai oublié le nom - qui s'est tournée vers moi, les larmes aux yeux, et m'a dit " Il n'y a pas d'amour heureux ".
Vous dire le temps qu'il m'a fallu pour qu'un matin j'écoute ce poème du vieux Louis mis en musique par Notre ami pour toujours. Poème, qu'à l'époque, je trouvais un peu gnian gnian (pardon pour les puristes, les exégètes, les pinailleurs de l'alexandrin !) préférant le Gloria du petit Van ou Eric qui faisait l'Animal in the House... Je ne saurais dire... Et je n'ai toujours pas compris, pourquoi cette dame, sans doute une amourette de bazar, m'avait cité cette phrase au milieu des tourments du grand plateau cantalou... Seuls les fils d'un aligot bien torché relient ces souvenirs... C'est bien dommage, me direz-vous, mais je ne suis au fond qu'un estomac, une panse jamais rassasiée...
Un autre poète-écrivain avait pondu une gentille fredaine pour une actrice en vogue à cette époque... Celui-là aussi me retrousse les manches quelquefois... La chanson s'appelait " J'ai la mémoire qui flanche "... Vous voyez tout se rejoint, et au bout du compte, on revient à la case départ...
Mémoires de l'A peu près.