dimanche 15 janvier 2023

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 Chaque fois que je traverse le pont, je pense à La Marie-Jeanne qui s'est jetée du haut du pont de la Garonne. Cette reprise par Joe Dassin (et autres) d'un hit country (Old to Billy Joe) écrite par Bobbie Gentry en 1967, me repousse sans cesse dans mes derniers retranchements de vieux barbon qui s'appuie sur la rampe de souvenirs en carton. J'ai dans la tête une boite à musique qui tourne sans cesse. Une platine qui s'affole quand la moindre galette vient à passer. Une couleur, une odeur, un évènement quelconque, et le carrousel se met en marche; C'est terriblement fatiguant. Le silence vient à manquer, comme le souffle dans les escaliers. Chacun porte sa croix dit-on, moi c'est un vieil électrophone Teppaz qui me fait office de couronne d'épines. 
 Ce pont, trop petit pour la Garonne, simplement à l'échelle d'une ville de province qui se dépeuple, se rabougrit par manque de subventions, ou de politique énergique, qui compte ses vieux devant les pharmacies, a connu lui aussi (le pont) son lot de désespérés, au point que la municipalité a fait remonter les rambardes, plus coriaces à enjamber, pour ne pas tenter les candidats à une mort aussi violente, qu'inutile. Quelle idée saugrenue de vouloir anticiper une obsolescence qui arrivera tôt ou tard. Chacun porte sa date de péremption inscrite quelque part, me semble-t-il... Enfin, je ne sais pas trop... " Mettre fin à ses jours" a quelque chose d'irrationnel. Le droit ultime de l'évolution ? Le chromosome en plus de "ceux qui marchent debout" ? Je pose la question...
 Il pleut. Depuis quelques années, l'hiver patauge. Plus d'intempéries, de gelées à pierres fendre, plus de neige. Les bonhommes s'ennuient, et les vendeurs de bonnets font grise mine. Est-ce que les générations futures naîtront avec des cornes d'antilopes ? Se rouleront-elles dans la poussière pour protéger leur peau du soleil brûlant à gratter le sol pour un peu d'humidité ? La propension de l'humain à détruire son environnement n'est pas nouvelle, mais il semblerait que les Nimbus de la science affolent le compteur, s'affairent autour des glaciers à grands coups de carottes, nous prédisent un avenir de marmite qui glougloute, et fait monter l'eau des nouilles. Moi qui ne craint pas le froid - j'ai toujours vécu dans des régions où l'hiver faisait la loi - me voilà ce matin, sur le pont, à patauger comme un éléphant dans un magasin de zone humide, à guetter les stratus, à lorgner les nimbus, comme le chante si bien, notre Ami à Tous, ou à m'enflammer les jours de canicule. La radio annonce la mort de Jeff Beck. Les flammes des années de nos fortes chaleurs, de nos émois en boutons de lotus, s'éteignent petit à petit, mais il semblerait que nous soyons encore nombreux à entretenir les braises. Encore une histoire de phono, et d'obso...
Janvier 2023.
 

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