jeudi 31 août 2023

Bonhomme.

 Bien sûr... Dans ma jeunesse, j'ai eu quelques aventures, quelques amants d'apprentissage... Des "amoureux" disait-on en ce temps là. Il fallait bien que le corps exulte. Je me souviens des Gustave, des François, des saisonniers qui passaient comme des fauvettes, et de ce capitaine d'infanterie fringuant du plumet, qu'on retrouva pendu dans sa grange. La faute à cette guerre qui l'avait brisé, lui rendait la vie impossible. Pensez comme nous étions vivaces à cette époque, remplies de sève, de rêveries, qui faisaient craquer les corsages, et attiraitent les hommes comme des mouches.. Le Bon Dieu, et le ratichon de la paroisse faisaient bien les gros yeux devant tant de vie, nous promettaient l'enfer, et toutes ces couillonades en confession, mais ils ne pouvaient rien contre les tournesols d'Août, les grands vents de Septembre, et ces foutus printemps qui comptaient les années. J'étais "employée de maison" chez le nobliau du coin. Un qui avait aussi perdu ses deux fils dans la grande pouillerie, et qui depuis, tâtait de la bouteille, et salopait ses affaires. Comme quoi, le diable se niche même dans les draps de soie ! C'est là que je l'ai rencontré. Il était journalier, s'occupait des vignes, du reste de bétail, et d'un coup ce gaillard m'a tourné la tête. Il m'a porté bien haut, tenu très fort dans ses mains de labeur, et les hivers sont devenus plus doux. Pour sûr, c'était un beau gars... Un peu coureur aussi... Nous avons fait des noces, sans enfants pour nous polluer le regard, et comme vous le voyez, vécus assez longtemps pour devenir cassants comme du bois mort... Ce bois... C'est encore moi qui le ramasse, parce qu'on me dit qu'il va mourir, et qu'un poête en a fait une chanson...  Satanés poêtes, toujours à narguer la faucheuse... 
Bonhomme.
Georges Brassens.

  

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