Les chats.

Ils ont déménagé la vieille. Deux camions remplis ras bord d'électroménager vintage, commodes, bahuts, literie, vaisselle ébréchée. Des pots, des jardinières... Aussi des panières à tricot, des coupes à fruits, et toute une collection de "Vie tranquille" l'hebdomadaire des familles, dont il faudrait se débarasser. Tous les souvenirs en vrac dans des valises qui avaient vu partir des trains, des départs en vacance dans le vieux break, lui aussi remisé dans le garage depuis la mort d'Isidro. Un petit cinquante mètres carrés, coquet, dans une résidence calme, à deux pas du centre ville, comme dit Jojo Immobilier.. Un rez-de-chaussée  qui soulagerait ses varices, et son pauvre dos secoué par tous les vents.   C'est vrai que rendue seule sous la pendule d'argent qui résonne au salon - la faute à une intervention divine (?) pour la soulager d'un bonhomme devenu encombrant avec l'âge, ou d'un chanteur belge qu'elle aimait beaucoup -  Mamie n'avait plus de raison à rester dans la grande maison. Gérard, l'aîné, qui avait la mainmise sur la famille, avait déclaré qu'une cambuse avec terrasse, et jardin, en plein centre devait valoir "des pions", et que, ni lui, ni sa conne de soeur (les deux ne s'aimaient guère) ne viendraient jamais habiter un bled pareil. Le notaire, toujours à l'affût, était d'accord. On partagerait les frais, et le magot. Marthe toucherait une petite allocation qui lui permettrait de boucler ses fins de mois, et de "voir plus loin". Que voit-on quand la vieillesse vous prend ? La question reste posée... Les chats de la voisine grimpés sur la gouttière n'y trouveraient rien à redire. Ils étaient pourtant les seuls à avoir un peu de peine pour la vieille... Mais les chats, ont, parait-il, plusieurs vies... Rien ne pressait pour eux...