mardi 22 août 2023

Les mains d'or.

 Et vint le temps où la vieille bourgeoisie poissarde des hauts fourneaux, des mines, et des manufactures disparut petit à petit. Usée par la syphilis de l'argent, des emprunts russes, des coups de jarnac à l'Assemblée, et des cousins consanguins mariés pour la cause du grand capital, elle glissa les titres, les valeurs boursières sous le tapis, inventa les paradis fiscaux, et jeta sans états d'âme les trimards à la rue. Quelques années plus tard, les "grande familles" se gaveraient d'économie de marché, de libéralisme décomplexé, de mondialisation outrancière, remplaçant cette "classe ouvrière" encore rugueuse par des larbins aux ordres qui bossaient pour des clous, loin de l'église qui n'était plus au centre du village. Les Anselme, ou Cyprien en sabot, furent remplacé par des Bertrand, des Philippe, chaussés de mocassins à glands, plus compatibles avec l'or noir des nouveaux émirs, la télé dans chaque foyer, la table en formica, et le caddie des "grandes surfaces". On fit savoir aux mécanos, aux gueules noires, aux artisans laborieux, qu'ils ne servaient plus à rien, qu'une chaîne robotisée valait bien leurs doigts crochus, leur clefs à molette, et bien sûr, coûtait beaucoup moins cher. Qu'ils se rassurent, on les oublierait très vite, pris dans le tourbillon de la machine à décerveler... On entendit bien ça et là quelques rumeurs, quelques poings levés, quelques Bella Ciao, et autres Lutte finale toussées par des voix silicosées, mais Riton, et les autres, qui se rêvaient en Lantier furent bien vite mis au pas, renvoyés au désert par de startuppers qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leurs écrans...
Les mains d'or.
Bernard Lavilliers.  

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