dimanche 6 janvier 2013

REVEUR IMPENITENT

Chaque matin, Charbon de Bois descendait sur le bord de la rivière. C'était sa nouvelle marotte. Il s'installait sous le parapet, là où le gravier est toujours sec.  Des jolis petits cailloux blancs comme on en trouve autour des tombes dans les cimetières qui tiennent bien droits les pots de fleur en plastoc et les plaques " Ci-gît "de tout poil... " A Notre Père bien aimé " ( Qui entre parenthèse, nous a bien pourri la vie, mais " Les morts sont tous des braves types " dit le poête, alors...). Pour moi inscrivez simplement " Ouf ! C'est fini ! " ça suffira à mon bonheur post-mortem...
Il posait son joufflu, enlevait ses bottes, retroussait son pantalon sur ses pattes de cigogne et restait là de longs moments à regarder on ne sait quoi... Les esprits simples, tu sais jamais ce qu'ils tambouillent dans la cafetière.. C'est un sacré privilège pour eux...Une grosse cervelle qui salamalèque ( ouais ! c'est nouveau ) à n'en plus finir sur tout et rien, qui déblatère comme un Tartarin, tu vois tout de suite la faille, le trou, l'embrouille qui se cachent derrière les discours, mais un pelot qui se mire les arpions en se curant le nez au bord de l'eau, ça sent le mystère, la Chambre Jaune...
La rivière, elle, se demandait bien ce que ce malotru fichait là tous les matins comme un vieux morse échoué occupé à lorgner le retour de la marée... Mais bon, faisait rien de mal le gugus... Au moins lui balançait pas des saloperies dans la tronche... Elle s'en foutait d'ailleurs, toute occupée qu'elle était à faire la belle, la gueuse, à rouler des mécaniques.. Prenait plaisir à écouter le barouf qu'elle faisait en dévalant de la colline... Un tintamarre qui durerait pas bien sûr... Elle le savait... Alors, elle profitait... La fonte des neiges, c'était son quart-d'heure de célébrité à elle ( aurait dit Andy ), son graal et son nirvana tout à la fois, engrossée qu'elle était par tous ces remous. Elle mordait les bas-côtés, débordait et emmerdait les caves des riverains. Elle bringueballait des bandes de canards qui ne finiraient pas en magret, rigolait du héron qui trompait sa femme et du vieux brochet qui taquinait le goujon... Pour compléter son bonheur, elle aurait bien aimé se trimballer un désespéré qui serait venu se noyer dans son ventre... Un vrai humain qu'elle aurait transformé en baudruche et qu'elle aurait posé délicatement sur une rive où elle était sûre de trouver un journaleux qui faisait les " chiens écrasés ". L'aurait eu son nom dans le journal, comme cette fameuse Bologne qu'avait défrayé la chronique au siècle passé... Mais dans ce pays tout le monde semblait heureux... Merde alors !
Elle aurait bien aimé aussi discutailler avec le guignol. Savoir si, à la belle saison, quand elle serait redevenue un cloaque merdeux, il viendrait comme les autres avec ses côtelettes et ses saucisses grillées. S'il mettrait ses boutanches à tremper au bout d'une ficelle pour les tenir au frais... Elle supportait plus de les entendre brailler la Belle de Cadix quand elle voulait se pieuter. Quand ils ne faisaient pas des concours de ricochets qui lui froissaient la couenne... Les cons...
Mais on le sait depuis que le monde est monde,  le dialogue est difficile avec un bipède... A moins qu'il soit un peu chaman, un peu louftingue ou simplement un rêveur impénitent...

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