mercredi 30 avril 2014

LES VIEILLES ***

Je croise des < vieilles >. Des venues d'ailleurs. Des qui s'accrochent depuis longtemps aux aiguilles de l'horloge - depuis que Maurice, Jean, Marcel, Lucien sont partis, faute de soins  - des phasmes aux cheveux meringués, des brindilles bousculées par le moindre courant d'air, maintenues au sol par le cabas qu'elles traînent, la cane télescopique et les chaussures " André " à semelles de crêpe. Elles sont nées pendant la deuxième pouillerie dans le ventre mou de cette époque incertaine. Ont grandies entourées de grand-mères, de cousines. Les pères absents réquisitionnés au STO, les frères dans le maquis du Ht-Jura... Plus tard, elles seront shampouineuses, dactylographes, fans des yéyés ou institutrices. Fonctionnaires ou infirmières dans les hôpitaux du bon Docteur, dans ces pays où il  ne pleut jamais... Elles ont vécu des passions en dentelle et préparé des repas de famille où les hommes buvaient la goutte jusqu'à plus soif pour tordre les nuages.. Elles avaient déjà fait le plein d'enfants quand le Manifeste des 343 est paru et ne penseraient plus à divorcer de leur mari alcoolique. Des bibendums gris posant le pied sur la Lune de Pierrot les ont fait rêver un instant et des avions fous - Surfers d'argent - explosant dans les tours jumelles ont ravivé les vieilles peurs des bombes tombant dans le jardin...
Et puis un beau et chaud matin d'été où elles se prenaient à espérer du temps qui passe, l'avenir s'est échappé, envolé comme un oiseau capricieux. C'est la vie qui tord les gens et la mort qui les apaise...
Aujourd'hui, remisées dans leur niches à poussière ( misère ), appuyées sur la commode cirée du salon, elles regardent avec un peu d'envie cette aide à domicile qui a l'âge de leur petite-fille... Elles prient encore un peu, de temps en temps au fin fond des nuits sans sommeil sans vraiment savoir si elle s'adressent au Diable ou au Bon Dieu...
Et moi, je les lorgne, je les feuillettent, je les décortiquent ces < vieilles > croisées  au retour du marché...
*** Journal Confus.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

 H                                                                                                           U                              ...