jeudi 25 février 2016

INSOMNIE

Je garde toujours autour de ma souille posés sur la table de chevet - un meuble de provenance inconnue qui semble ne m'avoir jamais quitté au cours de mes pérégrinations - empilés entre un étui à lunettes, un cendrier et les vingt ans d'une bergère qui ravivent mes sens atrophiés, quelques livres, carnets de route, revues, salam-salamalecs d'auteurs appliqués ou j'men foutistes... Litanies encodées en petites lettres qui font pleurer mes yeux sous la lumière blafarde d'un abat-jour estampillé Emmaüs...
J'ai lu et relu certains de ces ouvrages. Corné les pages, annnoté certaines phrases et donné des coups de scalpel dans des passages qui m'ennuyaient... Ils ressemblent aux nounours (?) en peluche d'enfants ravagés par les larmes et les colères. Compagnons d'infortune, copains de la noeuille, ils posent les coudes sur le comptoir des bistrots et de mes insomnies, déversent leur blabla entre la machine à caouettes et le perco dans un furieux flot de bière blonde qui fait de la mousse et des bulles au sous-sol. Ils sentent le vieux cartable, la poussière, presque la moisissure, l'encre des stylos à plume énervés qui se sont succédés pour les couvrir de gribouillis, de commentaires, de dédicaces ou d'insultes bon marché.
D'autres plus neufs ( je n'ai pas dit plus récents ! ) engoncés dans leurs emballages plastic - la pastille " A prix réduit ", les bandeaux rouges des éditeurs, et la brillance de la couverture en témoignent  - attendent patiemment qu'un ongle secourable vienne les délivrer, déchire la fine pellicule qui les entoure, les scarifie doucement et pose sur eux des cicatrices libératrices... Ces drôles ne sont pas dupes. Ils savent bien, qu'oubliés au premier jet, ils font mauvaise impression et ne seront jamais ouverts. Si vous tendez l'oreille, vous entendrez les écrivaillons frustrés par tant d'indifférence qui ronchonnent, crient à l'injustice, à la discrimination  et que...  Moi aussi, je mériterais qu'on jette un oeil sur mon rôti...
Je garde toujours autour de ma souille la caverne d'Ali le Baba, la bibliothèque d'Alexandrie, les Archives Nationales et le discours que j'ai prévu de faire lors de mon intronisation à l'Akadémie...  La seule chose que je perde couramment, c'est LE SOMMEIL. Et ça, mes bons amis, ce n'est pas de la littérature...
Bonne lecture à vous.
Et bonne nuit

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