samedi 17 juin 2017

LAVACHE

Bien sûr, je suis comme vous. J'ai lu dans les tous les bons manuels, qu'un jour, le savant fou finit dévoré par sa créature... Que le sérial-doctor dévale au fond du puits, poursuivi par les villageois,  brûlé vif sur le bûcher ou charcuté par sa momie... Toutes les mauvaises actions se payent cash et les têtes des vilains se baladent un jour l'autre,  au bout d'une pique. Mais renverser la statue du Commandeur prend du temps, et naïf comme je l'étais, je pensais, faisant gonfler mes voiles d'un vent nouveau, qu'un peu de repos me serait accordé si je décrochais mon manteau de la patère sous le préau et mettait un bourre-pif au premier venu qui me traitait de bovin... Si j'osais traverser la rue, pousser les grilles du pensionnat, et faire un doigt aux malfaisants, j'aurais droit aux choux à la crème et autres religieuses qui se pavanaient à la devanture de la pâtisserie d'en face.  J''avais des envies de sucre au fond de ma gorge enrhumée. Des frissons dans l'échine quand j'imaginais le " dehors ", des îles désertes sans procureurs, sans censeurs, qui zigzaguaient entre les sinistres locutions latines. Je voyais des palmiers-coco, des cactus-mexico, et les traînées blanches que les avions laissaient dans le ciel m'emmenaient invariablement vers un ailleurs bleu comme l'enfer...  Mais je faisais encore de trop petits pas, j'avais de la pluie et des matins froids au fond des yeux, quand l 'Autre me prenait par la main, me ramenait sur sa feuille blanche, me rappelant sans cesse ma triste destinée de personnage ancillaire.
- N'oublie jamais... Tu n'es que mie de pain que je tourne entre mes doigts... Croûton qui mijote dans mon pot-au-feu.. Marionnette, pantin,  dont sans cesse je tirerai les ficelles... Tu lorgnes la croûte d'un fromage libertaire, n'imaginant même pas que le piège se referme sur tes rêves de souriceau...
Mais je m'obstinais,  m'impatientais, ruais des sabots comme un petit chevreau. J'avais l'inconséquence des bravaches petits tambours qui partent à la guerre, et, ironie du sort, était conscient que j'en reviendrais gueule cassée et jambes de bois...
- Jules tu seras privé de sortie ! me disait Madame Lavache, ma mère biologique parce que j'avais encore déchiré mes nippes et volé quelques sous pour la demoiselle de mon coeur. Je n'aimais pas que l'on m'enferme. Dans ces moments-là, ces instants funestes de gros temps, de colères incendiaires,  où Monsieur Lavache, un père de substitution, préparait sa ceinture pour agrémenter la punition de quelques coups bien sentis, l'Autre prenait ma défense et m'ouvrait des soupiraux qui m'aidaient à marcher plus loin... J'apercevais, par le bout de la lorgnette, que le gredin me prêtait quelques instants - quelques instants seulement... - le monde en majesté sans mauvais coups et sans mandales...

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