mercredi 8 novembre 2017

VIEUX CON...

Si tu avais connu l'époque où nos belles usines brillaient comme des lampions. Où nos gentils z'ouvriers s'en allait gaiement au chagrin la tête pleine d'un avenir de machines à laver, de frigidaires tout neufs et d'eau chaude à l'évier... Les grandes cheminées fumaient comme des locos dans le cinoche de Zola et le poêle à charbon était de rigueur... C'était des temps pas faciles certes, mais les vieux communards, les métallos, les mineurs du Nord et les révolutionnaires poilus s'affairaient autour de la machine à explosion qui - ils en étaient sûrs - ferait le monde meilleur... Si tu avais connu l'air pur de nos montagnes qui jouaient les gros bras avant qu'on ne leur plante des poteaux Edf et des remonte-pentes mécaniques dans le flanc, avant que des zozos viennent casser leurs pattes de canards boiteux sur leurs pentes... Leurs poumons blafards planqués derrière des ray bans à deux sous avec leurs tronches de photoshop... Si.. Si.. Si.. Si tu m'avais connu plus jeune. Je virevoltais, jouais des prunelles et faisais des claquettes sur le lino usé du couloir... J'étais Diego de la Vega, le Capitaine Crochet et Jean Gabin tout à la fois...
" C'était des temps déraisonnables, on avait mis les morts à table " écrivait le sinistre Aragon, mais le poête parlait aussi des Yeux d'Elsa, des kiosques à journaux, des pt'its noirs au comptoir et des trottins sur les boulevards... La Quatre-chevaux de Monsieur Dupneu ( qu'est mon chef du contentieux, merci Jacques ! ) descendait la rue en pétaradant des quatres fers, pendant que le patronat prenait les eaux à Vichy, se planquait sous des grands chapeaux à Chantilly... C'était dans l'ordre des choses...Mais " on leur mettrait des clebards aux fesses à tous ces bourgeois ! " gueulait l'oncle Roger qui rentrait d'une sale guerre et agitait son chiffon rouge... Après il reprenait une Kro en rêvant d'une téloche qui bientôt serait en couleur... Petite consolation pour un grand malheur qui parlait de pieds-noirs, de harkis tous logés à la même enseigne, déracinés, estropiés sous le soleil qui inondait leur trouille...
Si tu avais connu tout celà, tu n'aurais pas ce sourire triste, ce regard d'Iphone éteint, et moi, je ne serais pas ce vieux con qui rabâche des niaiseries...
Le temps et l'Histoire ne font pas forcément bon ménage...

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