jeudi 30 avril 2020

Bien sûr qu'il avait la gorge serrée, la boule au ventre quand il montait à la tribune. Il posait ses mains bien à plat sur le pupitre, à l'abri du regard des huissiers, ces sinistres korbacs, toujours à espérer qu'il défaille, qu'il chope la tremblote et se mélange dans ses discours. Il tapotait discrètement les micros, éclaircissait sa voix cassée par trop de propositions, faisait le point avec le gugus des caméras, un gonze qui bouffait de la nicotine en boite pour éviter le machin, et regrettait la fin du Championnat.
Chaque fois, il fallait convaincre ses acolytes. Des copains de chambrée toujours prêts à fomenter de mauvais coups, à contrarier ses projets, rien que pour le plaisir de blablas interminables, de votes blancs, d'abstentions, et de motions de censure.. " J'voudrais vous y voir ! " avait-il lâché dans un moment d'absence à des pisse-copies en mal de grain à moudre. Chaque jour, il lui fallait énoncer clairement des choix qui se voulaient définitifs, mais qui, il le savait bien, deviendraient caduques le lendemain. Coudre, découdre et recoudre le vieux paletot tout rapiécié, jouer du plastron et des revers, poches à l'endroit, poches à l'envers, user de ses talents de couturier toujours sur le fil...
C'était une machine de guerre rompue à toutes les chausse-trappes, un général Bitenbois chez Guignol et Cie...  Une turbine alimentée à l'adrénaline du pouvoir, qui nageait en eaux troubles, écrasait les envieux, les impétrants qui lorgnaient sur son portefeuille et sa place Matignonesque (? ). Il savait que le Grand Manitou l'avait à l'oeil, ce gigolo Jupiterien qui lui mettait des bâtons dans les roues, et gardait les clefs du pouvoir dans la boîte à gants, comme l'avait si bien écrit monsieur San Antonio dans un roman éponyme..
L'histoire ne pardonne rien... Un jour, l'autre, tout s'efface... Au mieux, on finit dans les pages du dico, au pire on devient Jean Lecanuet ou Alain Peyrefitte  (?). On pourrait supposer que le soir, rentrant de ses agapes parlementaires, il se prenne à rêver d'une partie de pêche au bord de l'étang, d'un bon livre, ou de l'odeur un peu rance des pétroliers venus s'échouer dans le port du Havre... Qu'il raconte sa journée à une matrone aimante, en dégustant des filets de hareng...
On ne le saura jamais. Les machines de guerre ne parlent pas. C'est comme ça...
Contes à rebours.
J / ?.

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