Il faut voir tous ces gens du matin aux terrasses des bistrots... Il fait déjà chaud la bouillotte, mais à l'ombre du café-croissant, ça papote du monde comme il va, ou de Marcel Demer définitivement enterré dans le bestiaire d'un Oteur en jachère... Le loufiat, les bras nus, tatoué comme un rugbyman Samoan, se presse pas trop pour servir le chaland, et l'on n'en veut pas trop aux Violettes de faire des noeuds sur le trottoir, le caddie en folie, parce qu'on a trouvé un bras au fond de la rivière... Tu parles d'une affaire ! Pire les tags derrière le cimetière... On pousse gentiment les brins de paille qui piaillent, le gars du syndicat qui manifeste tout seul pour rameuter les troupes, et le banquier qu'en fume une dernière avant la crise économique...
Les employés municipaux essayent la sono. Ce matin, c'est Marseillaise, c'est Sambre et Meuse, ces fies de garce qui résonnent chaque année pour fêter le grand tube du Général. Les hommes sont revenus de la guerre, et sur leur tête, le gazon repousse...* La Sous-préfète, et les pompiers, repassent le bleu de chauffe pour l'évènement, et les gosses de la crèche, qui ne se doutent de rien, attendent le feu d'artifice promis, le biberon de onze heures, et putain ! quand est-ce qu'on change ma couche ! Les beaux gosses se matent dans les vitrines sous l'oeil goguenard des tout vieux qui se promettent de changer leur couche aussi... Tout redevient mioche avec l'âge... Tout redevient moche... Dans une heure, ou deux, si le temps le permet, toute cette volaille sympatique rejoindra les abris ombragés, les passoires thermiques, les deux-pièces, cuisine au gaz, pour une sieste bien méritée, sauf la Sous-préfète qui essaiera des dessous coquins, rêvant de galipettes sous les ors de la Répu qu'en peut plus, les pompiers grognons appelés pour des feux de culottes, le loufiat qu'on retrouvera noyé dans une menthe à l'eau, et les lardons déçus du monde comme il va. On attendra des nouvelles du bras trouvé au fond de la rivière... Tu parles d'une affaire ! Une vraie misère...
* Brigitte Fontaine.
Journal Confus. 18 juin 2025.
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