J'étais le dixième dans la file. Si un emmerdeur, devant moi, ne faisait pas de manières à pinailler sur la couleur du bristol, ne posait pas réclamation sur sa place dans la communauté, j'aurais dix petites minutes à me geler les godasses, et à me demander comme tous les matins, ce que je faisais là. La décence voulait que chacun ferme sa mouille, baisse les yeux devant les sortilèges bons, ou mauvais. On avait guère le choix. Seulement un certain goût pour lancer les dés, pour savourer l'instant où la machine allait rejeter toutes nos espérances...
Les Hommes de l'ordre surveillaient la queue qui s'étendait maintenant jusqu'au monument du Père de la patrie, histoire de justifier leurs privilèges, leurs cartes gratuites dorées à l'or fin, ou de racketter les nouveaux venus, les convoqués de la dernière heure, les infirmes, mutilés de guerre, malades mentaux, tous ceux, mis au ban, qui rôdaient autour de la zône, espérant une meilleure place, un bristol gratuit, se recommandant d'un tel, ou d'une telle... Comme si on allait les croire !
J'aperçus, dans la colonne de loqueteux, Miranda, une vipère que j'avais connu dans des temps plus sereins, avant que notre présence devant la machine ne s'inscrive sur les tablettes d'un dieu joueur, et pas magnanime pour deux sous... Et aussi, Mick, l'as des as, le roi du bonneteau, un monumental chanceux, dont la côte avait subitement dégringolée, la faute à une série de mauvaises passes.
Le vieux devant moi toussait comme une loco, et puait pire un bouc en chaleur. La main planquée derrière le dos, il me fit le signe, connu seulement de ceux qui ne croyaient pas au pactole. Qui pensaient que les martingales n'étaient que du vent pour obliger les pedzouilles à se tenir tranquilles. Evidemment que les cartes étaient bizautées, les dés pipés... La machine dévoyée, tenue par les sbires au pouvoir faisait office de défouloir,
... / ...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire