Ecoute, je ne peux vraiment pas te raconter mes histoires... Elles te foutraient en rogne, ou pire, te feraient mourir d'ennui. Tu tournerais la tête, regarderais ailleurs, comme on le fait quand un type nous rase avec la montée de la violence dans les pissotières du Net, ou tente de nous convaincre de la nécéssité d'un état fort en nous secouant par la manche. Et puis les histoires, ce n'est jamais que du vent pour faire mousser la mer, et noyer le marin... C'est un grand mystère... Est-ce que les bestioles se racontent leur vie en se reniflant le museau ? Est-ce que les anges blablatent en secouant leurs ailes ? On ne sait pas... Personne ne nous dit jamais rien. Y'a-t-il des souvenirs dans la trompe de l'éléphant, qui le pousserait à faire chier tout le troupeau avec ses cancans qui chauffent les oreilles... Et dieu sait que les pachydermes en auraient à raconter (des histoires) depuis le temps qu'ils zonent dans la savane... La truite aussi  pourrait faire la maligne, rendue célèbre par le piano du vieux Franz...  Mais non, c'est que du silence chez l'animal, hormis ces cons de clebards qui jappent pour un oui, un non... Mais les chiens, c'est pas pareil. Sont trop proches de nous...

 Bon, tu pourrais lever les yeux, froncer les sourcils, ou cajoler le grigris au fond de ta poche, s'il m'arrivait de lancer un hameçon qui te conviennes, ou soupirer comme tout le monde en disant "tu me l'as raconté cent fois, cette histoire..." je comprendrais. Je sais où se nichent les secrets. Et puis au fond, quand je pense à toi, au nombre d'histoires qui t'encombrent, je me doute que tu n'as que faire de celles des autres...