Gros Bill se dit que compter les jours est une occupation comme une autre. Certains comptent leurs sous pour s'enorgueillir auprès des autres, d'autres comptent les moutons pour s'endormir. Enfin c'est ce que prétend la rumeur populaire, Gros Bill pense que seuls les bergers, et leurs patous connaissent vraiment le nombre de gigots dans le troupeau. Pour additionner (ou soustraire) il faut bien une base de calcul non ? Et puis, on doit se lasser très vite d'attendre l'ours ou le loup qui viendraient boulotter en loucedé quelques biques, histoire d'assumer leur rôle de prédateurs, et d'encourir les foudres de la préfecture, et des éleveurs. Avec les jours, on ne craint rien. Pas un gugus ne viendra te mettre en procès parce qu'un matin, tu chipotes sur quelques heures passées trop vite, impossibles à comptabiliser sur l'ardoise du temps; Tout le monde s'en fout du temps qui passe... L'idéal serait d'inscrire sur un petit carnet de moleskine (noire) la teneur d'un jour. De congeler la moelle d'une journée, bonne ou pas, sur un cahier d'écolier.  Gros Bill ne note jamais rien. Ca lui évite les souvenirs... Faut bien reconnaître que quelques notes ne seraient pourtant pas superflues. Gros Bill oublie tout. Les noms des rues, des musiciens, des acteurs, des cousins de province... Les films qu'il a vu, les livres, et les concerts aux oreilles fracassées (?) ne font pas exception à la règle. Même ses anciennes amoureuses passent à la trappe, ceci n'étant pas le moindre des désagréments. Dans les salons où l'on cause, là où les discussions fusent entre deux coupettes, au comptoir du bistrot qui sert d'accoudoir (le comptoir) aux bonimenteurs, il reste sans voix.

 Par chance, Gros Bill ne fréquente pas les salons, ne participe pas aux causeries, aux débats (ébats), et ne fréquente plus guère les bistrots. Ca l'arrange plutôt.

Gros Bill.