CHRONIQUE LE TEMPS

On avait traversé Paris dans une 4L pourrie, avec un colosse en plâtre qui avait les panards qui dépassaient du hayon arrière. Trois Pieds Nickelés plus une momie... On passait pas inaperçus... René qui vivait sur un océan d'enduit, avec pour tout meuble un kilo de sucre, un pot de Nes et un robinet d'eau froide,  nous hébergeait le "Pt'it Calabrais " et moi quand nous ne savions où dormir... Fallait bien qu'on lui donne un " coup de main" à transporter ses machins dans Paris... On bouffait des sandwichs en buvant du jaja premier prix qu'on achetait au litre chez le bougnat du coin... L'atelier était situé rue des Martyrs ce qui convenait particulièrement bien à nos pensées glauques... Une rue pleine de marteaux-piqueurs, d'employées de bureau, de zonards en tout genre qui allaient et venaient, occupés à on ne sait quoi... A vivre probablement... On matait en rigolant les boutiques qui promettaient monts de vénus et merveilles en cuir en s'alignant entre la boulangerie et l'épicier arabe... Y'avaient bien que les touristes pour s'étonner d'une telle promiscuité... Les pékins ordinaires se grouillaient la tête baissée et les petons mouillés dans la neige mouillée... Pigalle le matin avait la même tronche que mon ex-belle mère quand elle sortait du plumard... Fallait bien un demi-litre de pt'it noir pour se remettre d'aplomb... Quelques années plus tard François Hadji Lazaro écrirait une chanson sur " La salle du bar-tabac de la rue des Martyrs " qui me trotte encore quelquefois dans la tête...
Deux fois par semaine, histoire de se remettre l'estomac en place et d'oublier le jambon-beurre on allait avec le " Pt'it " manger des oeufs mimosa et des bavettes à l'échalote chez " Chartier "...
Après...
On parle beaucoup de souvenirs mais on oublie souvent disait le poête...
Chartier
7 rue du fg Montmartre Paris IX e
Tous les jours de 11H 3O à 22 heures.