Il a mis du pain à tremper dans la soupe, pendant que Mamounette* fourgonne au fond de la cuisine. Il l'entend maugréer (refusé !) dans sa barbe ( elle est une femme à barbe, n'en déplaise à l'homme-tronc ) toute énervée qu'elle est du dernier bulletin de santé délivré par les carabins du coin. Tous des gros cons ! Me faire traîner pareillement avec leurs potions, leurs cachetons qu'ont juste réussi à me bousiller l'estomac ! Je savais bien qu'je tirais la patte, même pour donner à bouffer aux poules ! Pas besoin d'avoir fait les écoles ! Mes jambes me portent plus, qu'est-ce qu'on peut y faire ! Et voilà, que d'un coup, ces paltoquets, bons à rien, bouffeurs de couenne, et compagnie décident ,de m'ouvrir les guibolles, de me fourrer du plastoc dans les genoux ! Faudrait bien voir qu'ils s'avisent ! La gravosse est remontée comme une pendule. Mamounet ne moufte pas, faut jamais mettre de l'essence sur le feu... Il  a appris ça au cours des ans, le vilain... C'est pas lui qui va mettre le bazar à l'heure du frichtis... Il  faut voir ( et entendre ) la drôlesse s'activer dans ses gamelles, avec sa nouvelle " couleur " rouge toréro, sa fausse joncaille qui tintinnabule (?), sa jupe en skaï de Russie... Sans doute la dernière punkette du bled... Elle gondole entre ses cannes, et ses godasses à semelle compensée qui datent de l'époque où les Sex Pistols jouaient God Save à la Queen déjà vieille comme " mes robes "...

C'est vrai que depuis un moment, Mamounette elle bancroche sévère sur ses deux pattes... Elle tangue pire qu'une coquille de noix quand on rentre du marché, ou de la visite chez les cousins... C'est pas une sinécure de béquiller comme ça. Au moindre coup de zéphyr, j'la vois bien rouler dans l'talus, qu'il pense Mamounet en trempant sa soupe...

Y reste un bout de poulet, t'en veux ? La vie continue...

* Les prénoms ont été changé.

Ces gens-là.