Vieux Peuplu sort sur la terrasse. Ce mois de décembre 2030, il rentre dans le grand âge. Celui du vermicelle, des soupes de crapaud, de la viande qui se hache un peu plus chaque jour. Il devient molasse, fantomatique, plus très sûr de ses guibolles, et de sa boite à pipi. Il retrouve un vieux mégot au fond de sa poche qui date d'une chanson de J. Higelin, un disparu, célèbre en son temps que tout le monde a oublié. Disparues aussi toutes ses fredaines. Oubliées les danses de Saint Guy sur les tambours de Sympathie, quand le diable frétillait des cornes. Les petites cantates de Jean Sébastien qui lui tiraient les larmes. Seul demeure dans les limbes, son Ami de Toujours qui tient encore la route, lui propose un Bonhomme qui s'en irait tranquille comme Baptiste, en fredonnant un Testament de première bourre. Mais là encore, il manque de chats à fouetter. Faut juste qu'il fasse gaffe à ne pas gêner les jeunots qui auraient tôt fait de lui faucher son briquet, et ses dernières illusions. Il sait qu'après le parc, derrière la grille, il y a la rue. Il s'y promène souvent, les après-midis de sortie, avec Suzie la groupie (8) devenue comme lui, vieille taloche, usée sur ses vieux piercings, punkette clash qui ne croit toujours pas à la mort de Joe. Sur le balcon, ils tirent des petites taffes discrètes qui les font tousser, mais qui restent bienveillantes, quand le service d'ordre est occupé ailleurs.
Un piaf transi de froid se pose sur la balustrade, et il lui vient une pensée des morts qui le résume tout entier.
Ce canard n' a qu'un bec, et n'eut jamais envie
ou de n'en plus avoir, ou bien d'en avoir deux.
FIN.
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