Appuyé contre le bar, Tonio a du mal à lever le coude, la faute à une vilaine tendinite contractée lors de libations au long court, de descentes à la cave, et de parties de cartes avec les vieux grigous qui tenaient la permanence au "Bar des Amis"... Des amis, il n'en a plus guère. Tous partis vendanger leurs humeurs sur le boulevard des allongés, et si quelquefois, ils viennent papoter avec lui, c'est pour s'inquièter du flipper électrique, du da doo ron ron des Crystals qui faisaient trembler le juke-box, et les années de braise... Souvent, entre deux douleurs vieillardes (?), il pense à cette réplique entendue dans un film du vieux Robert* : "Les vieux faudrait les tuer dés la naissance", et ça ne suffit pas à le consoler de ses dés boire...

* Marius et Jeannette 

   R. Guédiguian.

Actu...

 Je n'apprécie guère les donneurs de leçon qui veulent toujours "remettre l'église au milieu du village". Les censeurs qui décident de "remettre tout à zéro"... Alors, quand faut remettre les pendules à l'heure, j'hésite à tripoter les aiguilles des horloges.. Le temps ne fait rien à l'affaire...

1969

 

1968

                                                JE SUIS MARXISTE TENDANCE GROUCHO.

 Il y a ce vieux clou rouillé, planté contre la poutre dans l'entrée. L'hiver Bonhomme y accrochait ses peaux de lapin quand il revenait de la chasse, son grand corps qui craquait, toujours bredouille, parce qu'on fond, la chasse n'était qu'un prétexte... Il fallait que le bougre sorte, vieux canasson dans le mauvais temps, voir si le grand chêne était encore debout, ou si le bistrot était ouvert. 

 Bonhomme était un homme du temps passé, des chemises de flanelle, du gris dont on fait les pipes, et si une ancre était tatouée sur son bras, c'est qu'il avait été marin sur la grand'mare des canards. Il portait "beau", hâbleur, et moustachu, toujours à porter la bonne parole du Bon Maître jusqu'au fond des sacristies, quand il avait rencontré la vieille. Un mauvais coup de Cupidon ( un sale petit bonhomme) qui l'avait laissé sur le flanc, comme sonné en sortant de la messe, lui qui ne voyait dans le bon dieu qu'une flaque dans laquelle barbotaient les grenouilles...

 Bien sûr, j'ai l'honneur de ne pas te demander ta main fut le plus joli graffiti de leur longue vie, inscrit sur le petit monument qui leur servit de phare pour traverser sans boussole, et sans faire de tort à personne, toutes ces années passées à ramasser du bois mort.

 Que Bonhomme soit mort quand elle rentrerait, n'offusquait pas le vieille. Elle savait qu'en tout bien, tout honneur, son bonhomme de mari trouverait sa place dans les cieux toujours bleus... Le clou, quant à lui, resterait à sa place...

N'en déplaise aux jeteurs de sort...

Rappel (2)

 Quand j'ai croisé Lulu

 je l'ai pas reconnu. 

 Et quand j'ai vu Juju

 c'était un inconnu.

 Et le père l'Us tu Cru ?

 Qui eut cru qu'il fut

 si poilu.

 Franchement, si j'avais su

 qu'il y avait tant de U

 j'aurais été déçu

 d'avoir si mauvaise

 vue...

Cinoche...

 Bon, il y a le bled. Après, la falaise. Un banc de pierre où s'assoient quelques vieux pour mesurer, face au vide, le temps qu'il leur reste. Une petite chapelle bâtie sous l'auréole d'un saint quelconque*... Un illustre inconnu, même pas foutu de faire un miracle, ratiboisé par la centurie romaine, au temps où Néron ne s'appelait pas Trump, comme l'a fait remarquer le gars du Sénat... Couac qu'en pense l'indécrotable optimiste, l'Histoire ne s'invente pas. Elle bafouille dans la tourbe, patauge dans sa souille, et s'en va voir ailleurs si les hommes sont meilleurs...

 Bref, un bled. Quelques cambuses ramassées comme des tortues. Rien que de la pierre. Des fenestrous d'où le pognon sort au compte goutte... Des bons d'épargne d'avant guerre planqués sous le lit, ou dans la remise qui servait de cabinets, quand l'arrière grand-papa s'en allait casser du boche la fleur au fusil. Ici, pas de "maison d'architecte" bling bling. Pas de trucs biscornus qui font mouiller les nouveaux riches... On ne fait pas dans dans l'ostentatoir (refusé !). Pas de baies vitrées, barbecue intégré, et volets roulants gris souris...  Rien que du patrimoine... Du solide. De l'acte notarié qui sent bon la patine, l'assurance vie, et les secrets de famille... Un discrétion toute Giscardienne je vous dis...

 Et là ! Surprise ! Le marcheur averti, qui, c'est bien connu, en vaut deux, croisera sur sa route, une cabane rafistolée de planches, et de clous, une cuisine et dépendances en bois brut, qu'une bande de gugus ont posé sur la pellicule d'un film à succès...  L'enfant du pays avait écrit un roman. Deux malandrins scénarisent le machin, et Karim Leklou remporte le César du meilleur acteur. Il paraitrait que dans la petite chapelle, le Saint fait un peu la gueule... Les saints sont des jaloux, c'est bien connu...

* Saint Romain.

Le roman de Jim.

 

 Serait-ce le début d'une symphonie ?

 Ou simplement des ratures

 de joueurs ?

 Les musiciens ont déserté la fosse,

 et tout là-haut le choeur.

 Ne restent plus que quelques notes

 un peu fausses.

 Ou les chiffres d'un qui regrette

 d'avoir raté la cible

 des fléchettes...

Qu'est que tu fais

Marco ?

Je Chine,

Paulo...

 

Rappel...

C'est à travers de larges grilles que le singe songeur, devant le bordel ambiant, l'instabilité de ce monde, et le prix des asperges, délaisse in petto, toutes les femelles du canton. Que toutes ces pétroleuses qui, sous l'influence des viragos Mathilde, Sandrine, et autres blanchisseuses, toujours prêtes à revendiquer l'ablation des attributs des poilus en maillot, aillent se faire voir ailleurs ( les grecs étant passé de mode). Vous pensez bien que nourri, logé, blanchi, notre quadrumane va pas  risquer sa pitance, au prétexte futile de perdre son pucelage, même si ça fait rigoler les piliers de bistrot, et l'Oteur de ce charmant madrigal. Et pis, l'ambiance du zoo n'est pas folichone... Les fauves tournent dans les cages, le goût du sang aux babines... Même si quelquefois, notre Gorille (appelons un chat, un chat), par jour de grande chaleur, se taperait bien une vieille centenaire, ou tirerait bien l'oreille d'un petit juge dans le maquis, restons raisonnables... Laissons l'humanité se foutre sur la margoulette, et continuons à faire les marioles sur nos guitares en bois...

Les dragons de vertu n'en prennent pas ombrage...

 Au fond du cratère,

 j'ai vécu des éruptions

 nocturnes.

 - Il s'est relevé au milieu de la nuit. A fumé une cigarette, bu un grand verre de tequila..Il s'est recouché, et il est mort.

Robert Mitchum

1917 - 1997.

Usine électrique

 

 Quand un type pare au plus pressé,

 on se doute qu'il y a urgence à sortir les bouts de ficelle

 pour réparer le toit, ou se planquer vite fait au fond du placard...

 Faut faire fissa, tant pis pour le résultat...

 Mais quand un type part au plus pressé,

 on peut être sûr qu'il ne sait pas où il va...

 C'est bizarre la grammaire....

                                                               La neige de mars

                                                               ressemble à la bière

                                                               de mars. Elle n'a

                                                               guère d'importance.

Météo du

matin.

                                                               

 A la première rencontre, j'ai su qu'on allait s'entendre comme des larrons sur la croix, deux os à moelle dans le bouillon... C'est assez rare, qu'au premier coup d'oeil, le menu vous plaise, qu'un accord entre les deux parti(ies) semble être une évidence. Perso, je savais qu'à la première cigarette, je finirais tubard, qu'au premier verre, le vieux Bacchus deviendrait mon pote, qu'à la première amourette... (Suspendons les points, émettons quelques réserves avec le poéte... Moi mes amours d'antan...) Ceci mis à part, faut bien qu'on s'emballe quelquefois., et que le corps exulte*. Là, j'étais sûr de mon coup... Pire le premier bulletin de vote dans l'urne, le premier roroto après le biberon.

 Vu l'état de ce monde en frichti, le voisin du d'ssus, pas plus avenant que celui du d'ssous, les travaux de Beaubourg (pas certain d'être là pour la réouverture !), la sinistre pétaudière des anti trucs, des pro machins, et toujours le même Président* on n'allait pas se priver d'un petit plaisir... Je n'hésitai pas un seul instant. Chose plutôt rare chez moi qui suis toujours entre la poire, et le fromage, le gauche, la droite; le cul entre deux chaises, les Beatles ou les Rolling Stones. Faut dire que les deux coquines promettaient de joyeuses agapes sur les chemins empierrés, des dérapages contrôlés dans les virages, et comble de rien du tout, une réduction de Vincent Poursan* pour l'achat d'une deuxième paire... 

 Vous l'aurez compris (sinon, faîtes autre chose), j'avais trouvé chaussures à mes pieds... Restait plus qu'à apprendre à marcher..

* J. Brel. Les vieux amants.

* M. Delpech. Inventaire 1966..

* Greg. Achille Talon.

 

 Hé! Hé! je suis un hérisson prudent.

 Les jours de "grands départs",

 je ne traverse pas la nationale...

 Ha! Ha! je suis un gars prudent,

 je coupe le son quand commencent

 les hymnes nationaux, et les bruits

 de guerre.

 

Trou de mémoire.

 

                                                              Semis du printemps.

                                                              Quelques cantates

                                                              couleurs,

                                                              dedans le

                                                              Bach à fleurs. 

Music box.

 - Chéri, tu pourras arroser le poulet, et voir si la tarte est cuite ! Fais gaffe en mettant la table, tu sais que ta mère (cette vieille peau) ne supporte pas qu'on mélange les torchons, et les serviettes. 

    Allez, on rembobine ! On  rallume le chaudron des souvenances, le catalogue Manufrance, et les tricots de corps qui régalaient les poilus, bien avant les grimaces de Freddy... Au diable les têtes à claques, les têtes nucléaires, et autres joyeusetés de ce siècle en charpie ! Manquerait plus qu'on se surprenne à fredonner une chanson de Guy Béart, ou que la moustache du père s'enflamme en entendant dans le poste sonner les fameuses trompettes, croquignolesques en diable qui ravissaient tous les mécréants du quartier. On n'est d'ailleurs pas sûr que la renommée des trompettes ait franchi le mur du son des radios du dimanche... La censure tapedure, et le Grand Charles veillaient. Pas de gros mots, et autres bistouquettes qui ternissent la volaille du dimanche. Les oies blanches, qui aujourd'hui, s'effarouchent au moindre pet lancé sur les zéros, seraient étonnées des zéro de conduite assénés par les pères Fouettards du Ministère. Et si parfois, ça swinguait au fond des alcôves, si les taloches tombaient comme à gravelotte, on restait de bonne humeur.

  On prenait de l'avance sur l'apéro en attendant les invités, et on chantonnait Vous permettez Monsieur ? la gentille fredaine qui faisait déborder les spaghettis... 

 Au bout de la table, les morpions ricanaient devant tant d'insouciance. 1965 serait une bonne année. Salvatore ferait une belle carrière, et Bob gagnerait le gros lot.

    

                                                                  Au bar des amis

                                                                  on voit souvent des belles

                                                                  on se fait tous petits

                                                                  devant leurs écuelles.

                                                                  Elles sont dans le quartier

                                                                  des souris pour les chats

                                                                  vendent leur tablier

                                                                  pour un café

                                                                  calva.

Journée des droits

de la femme.

 - Ca va ?

 - Non pas trop..

   Comme on dit,

   j'ai les naseaux

   au niveau des

   sabots.

 - On dit ça ?

 - Non... J'crois pas,

   c'est juste pour la rime...

 - Hum... Tu frimes.

 - 

 Non, rien de rien,

 non, je ne regrette rien...

 Edith.                                                                                   Moi, c'est fou,

                                                                                              je regrette tout.

                                                                                              Le piaf.

 Ecoute, je ne peux vraiment pas te raconter mes histoires... Elles te foutraient en rogne, ou pire, te feraient mourir d'ennui. Tu tournerais la tête, regarderais ailleurs, comme on le fait quand un type nous rase avec la montée de la violence dans les pissotières du Net, ou tente de nous convaincre de la nécéssité d'un état fort en nous secouant par la manche. Et puis les histoires, ce n'est jamais que du vent pour faire mousser la mer, et noyer le marin... C'est un grand mystère... Est-ce que les bestioles se racontent leur vie en se reniflant le museau ? Est-ce que les anges blablatent en secouant leurs ailes ? On ne sait pas... Personne ne nous dit jamais rien. Y'a-t-il des souvenirs dans la trompe de l'éléphant, qui le pousserait à faire chier tout le troupeau avec ses cancans qui chauffent les oreilles... Et dieu sait que les pachydermes en auraient à raconter (des histoires) depuis le temps qu'ils zonent dans la savane... La truite aussi  pourrait faire la maligne, rendue célèbre par le piano du vieux Franz...  Mais non, c'est que du silence chez l'animal, hormis ces cons de clebards qui jappent pour un oui, un non... Mais les chiens, c'est pas pareil. Sont trop proches de nous...

 Bon, tu pourrais lever les yeux, froncer les sourcils, ou cajoler le grigris au fond de ta poche, s'il m'arrivait de lancer un hameçon qui te conviennes, ou soupirer comme tout le monde en disant "tu me l'as raconté cent fois, cette histoire..." je comprendrais. Je sais où se nichent les secrets. Et puis au fond, quand je pense à toi, au nombre d'histoires qui t'encombrent, je me doute que tu n'as que faire de celles des autres...

< Sans la justice, que sont les royaumes, sinon un monde de brigands >

Saint Augustin.

Et ben mon vieux, si tu revenais (?) par minou, t'en boufferais ta cornette ! Nos bandits valent bien tes brigands, et le fameux Royaume du Barbichu part en nouilles... Chacun parle de paix en affûtant les glaives... Si j'avais la foi du charbonnier, je ferais bien une t'ite prière, je m'équiperais bien pour soutenir une t'ite pouillerie, mais je reste un mécréant convaincu, et mon arsenal ressemble à un épluche-légumes paumé dans une batterie de cuisine.

Tout reste à faire...

                                                                  Tous les jours

                                                                  je prends garde

                                                                  à ne pas (trop)

                                                                  me détester.